Confrontées à une pression réglementaire de plus en plus forte et à des impératifs croissants de performance en matière d’acquisition, de conversion et de monétisation, les applications mobiles doivent aujourd’hui trouver un équilibre subtil entre conformité, expérience utilisateur et performance.
Lors de deux rendez-vous majeurs de l’écosystème mobile, Mobilis in Mobile à Nantes et de l’App Growth Summit à Berlin, Jérôme Perani (Chief Revenue Officer d’Axeptio) a mis en lumière un enjeu central pour les éditeurs et développeurs d’applications mobiles : là où les exigences techniques et légales varient d’un pays à l’autre, la gestion du consentement doit être pensée comme un véritable parcours, intégrée dès l’onboarding, et adaptée à la géolocalisation de l’utilisateur.
Une pression réglementaire mondiale qui s’accélère : l’Europe en tête et en alerte
Le temps où les applications mobiles échappaient (plus ou moins) aux contraintes réglementaires en matière de protection des données est révolu.
Aujourd’hui, 71% des pays dans le monde disposent déjà d’un texte en matière de protection des données personnelles similaire au RGPD en Europe, et 9% sont en processus d’en adopter un. En d’autres termes, la vague réglementaire est planétaire, et aucune entreprise avec une présence digitale, site comme application mobile, n’y échappe.
L’Europe reste bien sûr en tête de cette dynamique, en imposant une exigence que beaucoup de régions du monde commencent à imiter : le recueil du consentement doit être explicite, libre, éclairé, traçable, spécifique, réversible, sans subterfuge ni contrainte.
“Dans ce contexte, les applications mobiles, longtemps considérées comme moins surveillées que les sites web, entrent pleinement dans le champ d’application du RGPD, et donc dans le viseur des autorités. On pense notamment au cas de Voodoo, sanctionné à hauteur de trois millions d’euros par la CNIL pour traitement de données en lien avec les habitudes de navigation des utilisateurs à des fins publicitaires, sans leur consentement” — Jérôme Perani, CRO d’Axeptio.
Un écosystème technique, légal et marketing de plus en plus complexe
En parallèle des obligations légales, les éditeurs et développeurs d’applications mobiles doivent composer avec un environnement particulièrement complexe, où se superposent des dispositifs aux logiques très différentes et souvent confondus. On pense tout d’abord à l’ATT (App Tracking Transparency) mise en place par Apple, mais aussi aux permissions système demandées par l’OS mobile, et enfin aux plateformes de gestion du consentement (CMP).
D’un côté, l’ATT semble informer l’utilisateur qu’une application souhaite le suivre à des fins publicitaires. Elle le fait selon un format imposé par Apple, à un moment précis du parcours, et encadre la capacité à transmettre certaines données à des tiers. Mais ce n’est pas un mécanisme de recueil du consentement au sens du RGPD. De même, le fait qu’une application demande l’accès à la localisation, à la caméra ou au micro répond uniquement à une contrainte technique, et non aux exigences de conformité.
En l’absence d’un module spécifique et conforme dédié à la gestion du consentement, à l’explication des finalités, et à la documentation de la preuve, l’application ne remplit pas ses obligations de conformité. Seule une CMP permet d’y répondre. Et les chiffres montrent d’ailleurs que la confusion entre ces éléments nuit aussi à la performance.
“En moyenne, les taux de consentement via ATT plafonnent autour de 50% (étude AppsFlyer), quand les CMP atteignent fréquemment 65 à 83%. Ce n’est donc pas qu’un sujet réglementaire : c’est un sujet d’intégration et de conversion.” — Jérôme Perani
En parallèle, d’autres géants de la tech imposent également leurs standards. L’écosystème Google renforce lui aussi ses exigences, en conditionnant l’accès à ses produits à une gestion plus rigoureuse du consentement. Pour pouvoir activer Google Ads, Analytics, AdSense ou encore AdMob, une application mobile doit désormais intégrer le Consent Mode v2 en s’appuyant sur une CMP certifiée (comme Axeptio). C’est une exigence technique, mais aussi un enjeu business de premier plan pour mesurer les performances marketing, et intrinsèquement la rentabilité de l’application.
Une carte du monde à géométrie variable : les enjeux d’un parcours d'intégration géolocalisé
Pendant longtemps, l’Europe a été perçue comme l’exception stricte dans un monde plus souple. Mais la dynamique a changé. Aux États-Unis, l’entrée en vigueur du CCPA en Californie, en 2020, a ouvert la voie à une série de législations locales qui redessinent rapidement le paysage de la protection des données.
Contrairement au RGPD, qui impose une logique d’opt-in stricte, la plupart des régulations américaines reposent sur un principe d’opt-out : l’utilisateur doit avoir la possibilité de refuser le partage de ses données, mais son consentement explicite n’est pas requis en amont. Le CCPA, souvent considéré comme la référence américaine, autorise ainsi le dépôt de certains traceurs sans validation préalable, à condition qu’un lien "Do Not Sell or Share My Personal Information" ("Ne pas vendre ou partager mes renseignements personnels") soit clairement visible et que les modalités de retrait soient accessibles et documentées.
Mais les États-Unis ne sont qu’un exemple parmi d’autres de cette hétérogénéité réglementaire. D’un pays à l’autre, les logiques de recueil du consentement varient et cinq grands territoires se dessinent, comme le montre le tableau ci-dessous.
À mesure que les contraintes se renforcent et que les dispositifs se multiplient, une évidence s’impose donc : la première séquence du parcours utilisateur d’une application mobile ne peut plus être standardisée. Elle doit devenir un véritable scénario dynamique, pensé en fonction du pays, de la langue, des attentes locales et des spécificités techniques ou marketing. Autrement dit, une mécanique intelligente reposant sur la CMP, capable de reconnaître son utilisateur et de lui adresser le bon message, au bon moment, dans les bons termes.
Envie d’aller plus loin ? Retrouvez les expertises de Jérôme Perani (Axeptio), Maxime Pontoire (SNCF Connect & Tech) et Baudoin Debain (Nickel), en vidéo à l’occasion de la table ronde Mobilis in Mobile.
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